Session des Semaines Sociales de FranceSamedi et dimanche avait lieu la session des Semaines Sociales de France pour échanger, sur “Quelle Europe voulons nous ?” . Les participants à cette 92ème session depuis 1904 ont entendu diverses personnalités qualifiées (politiques, philosophes, religieux, économistes et techniciens des administrations, jeunes) partager leurs remarques, leurs doutes, leur espoir sur l’avenir de l’Union Européenne.

Durant ces deux journées beaucoup de phrases ont été prononcées. Des phrases qu’on aimerait retenir, partager, à nouveau, avec d’autres. Voici un florilège de ces paroles qui ont été cueillies dans les tweets de plusieurs participants :

Enrico Letta (ancien Premier ministre italien ; président de l’Institut Jacques Delors) : l’Europe est le lieu le plus attractif du monde. / Pour convaincre, les partisans de l’Europe doivent parler le langage simple de la vie. / Les européens doivent se rencontrer pour comprendre ce qui les unit. / L’Europe est rejetée quand elle est vue comme instrument froid de la mondialisation. / L’Europe doit s’intéresser aux habitants des régions et des territoires, pas que des grandes villes. / Il faut débruxelliser l’Europe. / Pour nos enfants il faut mener la bataille de l’influence des valeurs de l’Europe dans le monde : environnement, droit des travailleurs, égalité hommes-femmes, liberté de l’enseignement, liberté de la presse, développement humain, refus de la peine de mort.

Claude Rolin (Député européen, Commission Emploi et affaires sociales) : Il y a une fenêtre d’opportunité pour relancer l’Europe sociale. / Europe sociale : Il faut combattre le mépris à l’intérieur de l’Europe. / Ce n’est pas l’Europe, ce sont les États qui bloquent la mise en place d’une politique migratoire humaine et intelligente.

Loïc Armand (Président de la commission Europe du MEDEF) : Il y a des valeurs qui fondent le marché unique européen ordonné par des règles de droit. / L’Europe est inclusive, l’Europe c’est nous tous. Nous avons l’Europe que nous méritons. / Pour nos entreprises, l’Europe est un formidable booster de compétitivité et d’attractivité.

Véronique Fayet (Présidente du Secours Catholique) : La première demande des personnes que nous accueillons c’est l’écoute, un accueil fraternel. Il y a un déficit de fraternité envers les plus précaires : travailleurs pauvres, migrants, familles en difficulté. / Nous devons combattre le déficit de fraternité qui ne concerne pas que les migrants. Tout est lié, il n’y pas les migrants d’un côté, les ouvriers de l’autre, “nos” pauvres encore d’un autre. / Tant qu’il y aura en Europe des paradis fiscaux, que certains éviteront l’impôt et donc la solidarité, les inégalités grandiront. / L’hospitalité n’est plus une valeur politique en Europe et je trouve cela très grave. / Aujourd’hui, l’Europe c’est chacun pour soi et ce n’est pas normal. / Que le monde entier sache que l’hospitalité est restée une valeur européenne ! / On ne rendra jamais assez hommage à madame Merkel (applaudissements de la salle) ; oui nous pouvons l’applaudir. / De l’espoir tout de même, beaucoup de mouvements citoyens, de mouvements d’église qui tendent la main aux migrants, qui accueillent, qui se mobilisent. Les caritas européennes sont engagées ! / Il est urgent de remettre en cause le règlement de Dublin qui est injuste pour les exilés et pour les pays aux frontières comme l’Italie ou la Grèce.

Fr Aloïs de Taizé : Au début de la Communauté européenne, il y a eu la volonté d’accueillir l’Allemagne au lieu de l’humilier. L’Europe est née dans cet élan de pardon et d’acceptation de l’autre, cette volonté de guérir les blessures de l’histoire. / La fraternité, c’est l’appel de l’Europe, l’appel de l’Évangile. Les réfugiés : le moment de vérité. / Un défi spirituel de nous tourner vers l’Afrique. / Entre religions, ce qui compte c’est l’expérience d’amitiés. Jean Paul II a donné impulsion à Assise. Nous sommes devenus plus frileux. Reprenons ce dialogue.

MRJC, Apprentis d’Auteuil, Scouts et guides de France : Jeunes en difficulté sociale ou éloignés des grandes villes : un quotidien très éloigné de l’Europe. / Pour eux aussi (BTP, agriculture, restauration) faut des stages en Europe, à l’étranger. / Simon Coutand (MRJC) annonce le rassemblement pour la Paix d’août prochain. / La résolution pour l’Europe de demain des SGDF fait parler d’elle.

Nathalie Loiseau (Ministre chargée des affaires européennes) : L’Europe est face au défi de communiquer sur ce qu’elle fait et à quoi elle sert. / Ce n’est pas parce que nous aimons l’Europe qu’il faut s’abstenir d’une critique lucide. / E. Macron veut une Europe qui protège, non pas en vue du repli mais pour pouvoir défendre ses valeurs et ses intérêts. / Les citoyens européens sont comme Saint Thomas, ils ne croient que ce qu’ils voient et ils ont raison. / Elle affiche l’ambition d’avoir la moitié d’une classe d’âge passant au moins 6 mois dans un pays européen d’ici 2024. / Quelle vision la France porte-t-elle aujourd’hui pour l’Europe ? Les citoyens nous demandent une Europe plus simple, plus efficace, plus protectrice ! / Être plus ambitieux sur l’Europe sociale. / Appelle à participer a l’organisation de conventions citoyennes européennes, l’an prochain. / Nous n’avons pas vu venir que nos données individuelles étaient devenues des objets de consommation. Les grands acteurs de l’internet trouvaient notre naïveté charmante, et bien arrangeante. Seule l’Europe en capacité de réguler… / Quand on dit identité, âme, culture européenne, n’oublions jamais le pluriel. / L’âme de l’Europe ne sera pas décidée dans un bureau, elle ne viendra pas d’en-haut mais du peuple. / Le fonds européen d’aide aux plus démunis c’est 1 repas sur 4 distribués par les Restos du cœur en France. Qui le sait ?

Jean-Marc Ferry (Professeur de la Chaire de philosophie de l’Université de Nantes) : La vraie force d’une nation, c’est de reconnaître les fautes du passé et de demander pardon publiquement. / Les principes de civilité, légalité et publicité sont essentiels pour l’épanouissement de l’Europe. / La zone Euro est bloquée par des politiques non adéquates à sa réalité. / Le motif d’avant-scène du projet européen, c’est devenu la mondialisation : adaptation économique pure et simple ou reconquête politique ? / L’Europe connaît une triple crise de régulation : économique, de solidarité et de légitimité. / La motivation pour une Europe “une” paraît avoir perdue de sa force. La légitimation première d’assurer la paix semble passée à l’arrière plan dans l’esprit des citoyens, avec l’effondrement du bloc de l’Est.

Mgr Jean-Pierre Grallet (Évêque émérite de Strasbourg, représentant la France à la COMÉCE) rappelle le principe de “la destination universelle des biens”. / Donner une âme à l’Europe, un visage, une vision. Construire un nouvel humanisme européen. / Nos billets d’euro ne présentent pas de visages humains mais des monuments or nous ne pouvons pas nous attacher à des monuments ! Nous avons besoin d’en-visager l’Europe ! / Cite le pape : « Je rêve d’un nouvel humanisme européen ». / Les chrétiens doivent contribuer à donner une âme, un visage, une vision, une invitation à poursuivre la construction européenne. / Le projet européen est fondamentalement un projet de paix et de fraternité. / Partage le rêve du Pape François d’une Europe capable de prendre soin de l’enfant, du pauvre et du migrant.

Denise Houphouet Boigny (Embassadeur de la Côte d’Ivoire à l’UNESCO) cite Benoît XVI : « L’Afrique est, pour l’avenir, le réservoir spirituel de l’Humanité ». / Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous.

Gaël Giraud (Chef économiste de l’Agence Française de Développement) est pour l’Europe des Biens communs. Ni géré exclusivement par le privé, ni par le public. / Et maintenant la grande tentation de certains Européens est le retour aux régimes totalitaires, durs, comme les hébreux qui maugréaient en regrettant la captivité en Égypte. / L’Europe est en manque aujourd’hui d’un grand projet eschatologique. Il y a eu la sortie des totalitarismes (la sortie d’Égypte) ; la disparition des grandes figures (Moïse disparaissant avant l’entrée en terre promise).

Michel Barnier (Négociateur en chef de la Commission Européenne pour le Brexit) montre un tableau sur la présence des pays européens dans le G8 en 2050 : « Si on veut être à la table, défendre nos idées, valeurs, intérêts… il faut être ensemble. Séparés on est éjectés du tableau. / Ceux qui essaient de gagner des voix en critiquant Bruxelles ont tort, ils desservent leur propre pays. Cela ne veut pas dire que l’Europe ne fait pas d’erreur, qu’il ne faut pas plus de démocratie en Europe. / Il y a un climat nouveau en Europe, on n’est plus sur la défensive, mais dans le volontarisme des dirigeants européens. / Rappelle la définition du contrat européen par J. Delors : « la compétition qui stimule ; la coopération qui renforce ; la solidarité qui unit ». Le 1er pilier a pris le dessus sur les 2 autres. / Nous devons nous interroger sur les raisons du vote des britanniques. Je voudrais bien distinguer le populisme et le sentiment populaire. / Le pire pour l’Europe, c’est le silence des politiques qui ont l’Europe honteuse. / « Chaque homme est nécessaire » : une phrase de Benoit XVI qui me guide au quotidien dans mon action. / Si l’Europe doit parler d’une seule voix, elle doit continuer à parler en 24 langues. / Le choix n’est pas entre la France et l’Europe ; elles vont ensemble. Le choix est entre une Europe indépendante, souveraine, ou une Europe sous-traitante, sous influence. J’ai choisi mon camp.

D’autres informations et des enregistrements vidéo sur le site de la session des Semaines Sociales de France : http://ssf-lasession.org/

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