La fraternité : vivre ensemble
Bioéthique et dialogue
En cette époque où les tensions sont vives sur différents sujets de société, nous publions ici le texte de l’intervention qui a été faite par Catherine Belzung pour un groupe qui travaille sur les intérêts de la fraternité. Donnée en mai 2018 alors qu’approchait le débat sur la bioéthique, elle a situé son intervention dans le contexte : Bioéthique et dialogue.
En préambule, elle signifie qu’elle ne se prononcera pas de façon définitive sur une originalité en termes de contenu anthropologique mais que le point de vue qu’elle veut défendre est la promotion du dialogue entre personnes de convictions différentes. L’originalité réside donc avant tout dans la méthode, et dans son but : la recherche de l’unité.
(Pour ceux qui préfèrent la lecture sur papier, un fichier PDF est téléchargeable en bas de page.)
Comment s’y prendre ?
L’histoire du dialogue entre personne de convictions différentes a permis de mettre en évidence 4 principes fondamentaux qui caractérisent ce dialogue.
C’est un dialogue et pas un monologue : l’art d’affirmer des positions tranchées
Le mot dialogue est ici entendu dans le sens de s’enrichir réciproquement, chacun donnant et recevant de l’autre ses arguments, quelque soit le point de vue. Il ne s’agit donc pas ici de nier les différences, d’en éviter la formulation pour éviter de choquer, de cacher les positions éventuellement très tranchées car sinon ce ne serait plus un dialogue mais un monologue. Cela signifie au contraire qu’il ne faut pas cacher notre position pour aboutir à un consensus mou pour « éviter le conflit » : il faut donner notre position, entièrement. Pour un chrétien, sa position sera souvent concordante avec la pensée de l’Église, bien que des nuances puissent exister en ce qui concerne l’application de ces principes de façon universelle dans une société laïque qui ne partage pas ces convictions.
C’est un dialogue bienveillant et respectueux
Mais comment donner cette position tranchée ? C’est là qu’intervient l’art du dialogue idéal. En effet, Il faut le faire de façon respectueuse et bienveillante. En effet, ce dialogue est fondé sur la confiance réciproque, ce qui empêche de juger l’autre, même si ces propos pourraient à priori nous sembler choquants. Cela exclut l’idée de convaincre l’autre avec des arguments définitifs, de tenter de le disqualifier, ou d’avoir recours des positions universalisantes. Par exemple, si je suis chrétienne, mon idée du respect auquel a droit l’embryon découle de ma croyance que ce dernier est aimé de Dieu, et non pas d’une idée scientifiquement démontrée qu’il serait une personne par exemple. Je ne peux donc pas dire que cette idée là ait un caractère universel ; elle n’a de sens que pour le croyant.
C’est un dialogue qui inclut l’ouverture à l’autre
Comme dit le philosophe Theodor Adorno, « il n’est pas d’amour qui ne soit écho ». On écoute donc l’autre en essayant de comprendre réellement sur quoi se fonde son propos pour nous en enrichir. En effet, notre dialogue vise à l’unité. Nous devons donc être ouverts à la position de l’autre. La diversité n’est pas un obstacle mais une possibilité d’enrichissement réciproque. Cette diversité a donc un impact réciproque, il laisse des traces en moi et en l’autre : ce n’est pas un échange poli au cours duquel la position de l’autre reste comme l’eau sur les plumes d’un canard ; il s’agit d’une pénétration réciproque dans la pensée de l’autre. Il permet de comprendre son point de vue et ses arguments : je dois être prêt aussi à être transformé par l’autre, à contenir quelque chose des raisonnements de l’autre avant d’entamer ce dialogue. Et cela doit être ainsi des deux côtés. Une véritable ouverture respecte l’autre et demande une grande honnêteté intellectuelle. Chiara Lubich dit : « Le dialogue est tout autre chose que tolérance, c’est un enrichissement réciproque, un désir de bien pour l’autre, c’est se sentir frères, c’est chercher la fraternité universelle sur cette terre…» ? Cette façon de procéder fait qu’à la fin de l’échange je contiendrais quelque chose de l’autre, mais tout en restant moi même. Cela permet d’arriver à l’unité dans la diversité, un processus dans lequel je contiens l’autre tout en restant parfaitement moi même.
Chercher ce qui nous unit, mettre en évidence le positif, pour pouvoir ensuite dialoguer sur ce qui nous sépare
Pour finir, une question de méthodologie : chercher d’abord ce qui nous unit avant ce qui nous sépare. Il s’agit de poser le regard avec décision et force sur les aspects positifs qu’on peut trouver en chaque conviction. Souvent cela passe par ce qui fonde les convictions de chacun, plutôt que les dispositifs eux mêmes : le plus souvent nous partageons l’adhésion à des notions comme la dignité de tout homme, l’envie d’aider les autres, de construire une société plus fraternelle, plus solidaire et inclusive, d’éviter la souffrance, etc. Bien souvent, ces valeurs nous sont communes, mais peuvent nous amener à des choix différents. Or, l’essentiel n’est-il pas précisément dans ces valeurs et dans les choix qu’elles nous poussent à faire ? Cette recherche permettra de nourrir l’amitié et la confiance réciproque, car je sais ainsi que l’autre se bat pour les mêmes valeurs que moi.
Conclusion
Nous sommes dans une société démocratique, qui se fixe précisément comme objectif de faire vivre ensemble paisiblement des personnes aux convictions opposées. Notre dialogue nous semble donc tout à fait vital et nécessaire, pour nous permettre de construire des liens fraternels au delà de nos différences de conviction, mais sans les nier pour autant. Il n’y a plus de tabous et nos échanges nous permettent de progresser dans un lien fraternel et amical vrai.
Imprimer l'article | Cette entrée a été posté par Marc BÉCHU le 10/10/2019 à 23:11, et placée dans 8- Vie publique - Politique. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0. Vous pouvez aller directement à la fin et laisser une réponse. Le ping n'est pas autorisé pour le moment. |
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