Aux habitants de notre paysAux habitants de notre pays” est le second titre d’un message intitulé Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. Un groupe d’évêques s’adresse ainsi à nous tous qui sommes en France au nom de l’ensemble des évêques de France. Ils s’étaient déjà exprimés au mois de juin sur l’épisode électoral que nous allons vivre (Voir l’article “2017 – année électorale”), bien avant que ne commence la campagne ; ce nouveau message n’était pas attendu. 

Le texte est disponible chez les libraires depuis le vendredi 14 octobre ; c’est un long texte. Le message a reçu un écho favorable de la presse. Un chroniqueur du journal Libération a écrit : “

“Introduction

Parce que nous aimons notre pays, nous sommes préoccupés par sa situation. Il faudrait être sourds ou aveugles pour ne pas nous rendre compte de la lassitude, des frustrations, parfois des peurs et même de la colère, intensifiés par les attentats et les agressions, qui habitent une part importante des habitants de notre pays, et qui expriment ainsi des attentes et de profonds désirs de changements. Il faudrait être indifférents et insensibles pour ne pas être touchés par les situations de précarité et d’exclusion que vivent beaucoup sur le territoire national.

Notre pays a énormément changé et, dans l’Europe, il donne le sentiment d’avoir du mal à se retrouver sur une vision partagée de l’avenir et ainsi imaginer son futur.

L’espérance chrétienne n’est pas seulement individuelle, elle est aussi collective. Nous sentons que le vivre ensemble est fragilisé, fracturé, attaqué, il semble devenu de plus en plus difficile de se parler. C’est à un travail de refondation auquel il nous faut, ensemble, nous atteler. Mais rien ne pourra se faire sans un regard lucide sur la situation.

1. Retrouver la politique

La crise de la politique est d’abord une crise de confiance envers ceux qui sont chargés de veiller au bien commun et à l’intérêt général. L’attitude et l’image de quelques-uns jette le discrédit sur l’ensemble de ceux qui vivent l’engagement politique comme un service de leur pays.

2. Une société en tension

Les Français ne restent pas indifférents à ce qui touche leurs compatriotes. La contestation est devenue le mode de fonctionnement habituel, et la culture de l’affrontement semble prendre le pas sur celle du dialogue. On ne peut sans cesse jouer sur la « com’ » et l’audience. Il en va de même des réseaux sociaux.

3. Ambivalences et paradoxes

La juridicisation croissante de notre société est une évolution marquante de ces dernières années. Il est nécessaire de retrouver des espaces de créativité, d’initiative, d’échanges, de gratuité car il y a de la créativité, de l’inventivité, de la générosité dans notre pays. Le potentiel de dynamisme et de solidarité patine, sans arriver à trouver le point d’appui, l’élément catalyseur qui lui permettra de se développer et de porter tous ses fruits.

4. Un contrat social à repenser

Il y a un sentiment de déception vis-à-vis de l’Etat providence qui n’arrive pas à satisfaire les attentes. Les repères simples de la vie en société sont chahutés. Sentiment d’insécurité mais aussi sentiment d’injustice et la grande injustice est le chômage.

L’horizon est plein d’incertitudes : les questions que pose l’Islam, sa présence dans notre pays, la crainte du terrorisme, les flux migratoires…, mais également les interrogations radicales dues aux transformations climatiques et écologiques, contribuent à déstabiliser et inquiéter beaucoup.

Chômeurs, personnes d’origines étrangères et bien d’autres, dans toutes ces situations, les valeurs républicaines de « liberté, égalité, fraternité », souvent brandies de manière incantatoire, semblent sonner creux pour beaucoup de nos contemporains sur le sol national.

5. Différence culturelle et intégration

L’idée même d’un « récit national » unifiant est largement contesté et remis en cause. Les identités et différences sont affichées, et la revendication communautaire met à mal l’idée d’une Nation homogène. Il devient dès lors plus difficile de définir clairement ce que c’est d’être citoyen français. Toutes les composantes de la société doivent pouvoir apporter leur contribution.

6. L’éducation face à des identités fragiles et revendiquées

Cette question de l’identité travaille notre société française. Il est très important que celle-ci s’empare de ces questions, à la fois pour percevoir ce qui a construit et forgé notre pays, mais aussi pour prendre la mesure de la richesse que des identités plurielles peuvent lui apporter en faisant émerger les liens d’unité au cœur même de cette diversité. Plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin pour vivre dans le monde d’aujourd’hui.

La révélation chrétienne fait alliance avec la raison et reconnaît des « semences du Verbe » dans la culture, définie par Jean-Paul II comme ce par quoi « l’homme devient plus homme ».

7. La question du sens

La question du sens a peu à peu déserté le débat politique. L’ordre normatif ne vient plus d’en haut mais d’une mutualisation des liens horizontaux. On ne fait pas vivre ensemble des individus avec de seuls discours gestionnaires. Par exemple le projet européen : ce projet politique semble s’être perdu dans un fonctionnement gestionnaire, marchand et normatif qui n’intéresse plus personne. Un projet européen repensé peut et doit précisément permettre le respect et l’expression des identités nationales et régionales. Il ne peut y avoir d’avenir pour notre pays que dans une Europe forte et consciente de son histoire et de ses responsabilités dans le monde.

Qu’est-ce qui fait qu’une vie mérite d’être donnée aujourd’hui ? Pour quoi suis-je prêt à donner ma vie aujourd’hui ? Il ne faut pas forcément être très nombreux pour faire bouger des situations, pour donner une nouvelle direction et il faut consentir à inscrire son action dans le temps long.

8. Une crise de la parole

La Parole permet aux hommes de se dire les uns aux autres ce qui a du prix pour eux. Il n’y a pas de projet durable qu’élaboré dans un rapport de dialogue. La politique est donc un lieu essentiel de l’exercice de la parole. La parole échangée, les espaces de dialogue à privilégier, s’ils sont plus que jamais nécessaires et urgents, supposent infiniment de doigté, de souplesse, d’adaptabilité. Toutes les positions veulent se voir écoutées, respectées, comme légitimes, à égalité.

Le politique va être sans cesse appelé à gérer des équilibres provisoires entre différents intérêts à un instant « T » de l’état de la société. Le vrai compromis, c’est entrer dans un vrai dialogue où on ne cherche pas à prendre le dessus mais à construire ensemble quelque chose d’autre, où personne ne se renie, mais qui conduit forcément à quelque chose de différent des positions du départ. Ce ne doit pas être une confrontation de vérités, mais une recherche ensemble, en vérité. S’il faut parfois donner un témoignage de fermeté, que celle-ci ne devienne jamais raideur et blocage.

9. Pour une juste compréhension de la laïcité

La laïcité de l’État est un cadre juridique qui doit permettre à tous, croyants de toutes religions et non-croyants, de vivre ensemble.

Cette crise du politique que nous venons de mettre en lumière révèle, comme toute crise, des attentes et des ressources.

10. Un pays en attente, riche de tant de possibles

Il y a une aspiration à de nouvelles formes d’engagement citoyen. Tous ensemble, c’est à un changement d’attitudes et de mode de pensée qu’il faut nous rendre disponibles.

Notre pays est généreux : l’un des pays européens où la vie associative est la plus développée, partout fleurissent des initiatives citoyennes, des désirs de parole. Ces initiatives sont parfois maladroites, inexpérimentées, instrumentalisées… mais elles manifestent toutes un désir de vivre et d’être écoutées.

Les enjeux écologiques et environnementaux sont en train de transformer en profondeur nos conceptions de la vie en société, et nous tournent vers des attitudes de simplicité, de sobriété, de partage.

Sur tous ces sujets, il nous faut, à tous les niveaux, que nous reprenions le temps de la parole et de l’écoute pour éviter que le dernier mot ne reste à la violence.

Conclusion

Il y a de la tristesse dans notre pays de se voir ainsi et de ne pas arriver à se rassembler pour l’élan dont il est capable, alors même que les épreuves et les incertitudes demandent que nous nous retrouvions. Il y a beaucoup de richesse cachée dans les cœurs, et de l’espoir qui vient de l’action de beaucoup. Chacun, à son niveau, est responsable de la vie et de l’avenir de notre société. Cela demandera toujours courage et audace. Des qualités qui n’ont jamais déserté le cœur de notre pays. nous voudrions vous inviter à prendre la parole, à échanger avec d’autres sur les enjeux de notre vie en société. Nous pensons que les vraies solutions viendront de cette écoute personnelle et collective des besoins profonds de l’homme. Et de l’engagement de tous.”

Le texte complet est disponible en cliquant ici.

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