Une agriculture respectueuse de le natureNous avons demandé le témoignage de Edmond qui est engagé pour une agriculture respectueuse de la nature, économiquement et socialement viable.

Humanité Nouvelle : Edmond, tu étais enseignant-formateur en Maison Familiale Rurale (que nous appellerons MFR) et tu t’es engagé avec fidélité, créativité et patience, depuis plusieurs années, avec un groupe d’agriculteurs innovants. Peux-tu te présenter ?

E.B. : Je m’appelle Edmond Bourges, de Fougères, marié à Christine depuis 44 ans – j’ai beaucoup de chance – nous avons accueilli  3 enfants et 5 petits-enfants. J’ai 72 ans.
J’ai été enseignant 14 années, en début de carrière, puis agriculteur 21 ans  et retour à l’enseignement en 2001 après un accident avec une machine. J’avance dans la vie avec le Mouvement des Focolari…

H.N. : Nous avons lu que tu croyais à deux réconciliations : celle avec la diversité des êtres et celle avec la nature. Peux-tu expliquer ?

E.B. : Constatant que notre mode de production en agriculture ne répondait plus aux attentes du territoire, la démarche que j’ai entreprise répondait au départ à mon aspiration personnelle et la prise de conscience, partagée avec quelques-uns.Une agriculture respectueuse de la nature

J’aimais parcourir les forums, voir des vidéos de restitution d’innovations diverses ; dans le monde agricole, des proches acceptaient de partager leurs expériences avec les élèves de la filière agricole de la MFR où j’exerçais. Dans les constats de départ, chacun s’accordait à dire qu’il fallait commencer par régénérer, reconstruire nos sols, pour mieux respecter le vivant et la nature… Avancer vers l’ « agro écologie »

H.N. : Et alors ? Tu as avancé ?

E.B. : Le constat ou diagnostic posé, l’envie d’avancer était là… C’était en  2010-2012. Le président et le directeur de la MFR de Fougères m’ont missionné pour représenter notre établissement au sein d’un comité de pilotage organisé par la Chambre d’Agriculture du département. L’impératif et l’urgence était de construire des projets adaptés à la problématique du territoire, abordée de façon systémique conciliant performance environnementale mais aussi économique et sociale…
C’est un organisme de développement agricole du département qui a servi de cadre administratif au nouveau groupe d’agriculteurs désireux de démarrer ce projet : le GEDA 35 (Groupes d’Étude et de Développement Agricole d’Ille et Vilaine). Le groupe s’est identifié sous le nom de « Sol Vivant 35 ». Dans le même temps, la MFR de Fougères est devenue référente régionale pour « enseigner à produire autrement »… et permettre aux clients de « consommer autrement ».

H.N. : Là, c’était la mise en place. Et la suite ?

E.B. : Ce projet a fréquemment généré du recul et de la méfiance. Méfiance au niveau du monde agricole pas prêt du tout à reconsidérer leurs pratiques. Méfiance, tout particulièrement, de mes collègues enseignants les modules techniques et notre responsable des plannings dès lors que je sollicitais des disponibilités de créneaux horaires pour proposer aux élèves de participer à des visites de terrain, des démonstrations, des salons sur le sujet afin de les sensibiliser… et les préparer à leurs nouvelles fonctions de production ou conseillers près des organisations agricoles.

H.N. : Y a-t-il eu des encouragements ?

E.B. : Le partage de ces difficultés avec mes proches (Christine et les enfants), avec les amis du Mouvement des Focolari m’a permis de garder le cap et de surmonter certaines tensions… Le plus gros contributeur aux encouragements nécessaires reste mon directeur (mon ami Henri-Claude) avec lequel j’ai pu échanger et partager sur beaucoup de valeurs. En toutes occasions j’ai pu compter sur lui pour un certain nombre d’arbitrages indispensables pour pouvoir progresser. En particulier dans l’intérêt des élèves !!! Pour eux : je ne pouvais pas abandonner, mais toujours convaincre objectivement…
A propos d’encouragement, je me souviens aussi d’une séance en « bout de champ », où le groupe d’agriculteurs  partageait son émerveillement de la nature souvent généreuse si chacun prend le temps de la respecter, de l’enrichir… À partir de là, j’ai senti une plus forte adhésion du groupe d’agriculteurs ; cela nous a permis de nous ajuster sur de nombreuses valeurs vécues à travers ce projet…

H.N. : Et ce projet a progressé…

E.B. : Au bout de ce long chemin, MFR et « Sol Vivant 35 » ont scellé un contrat de partenariat pour un appui technique apporté au groupe par un formateur à hauteur de 20% de son temps. Cela n’a pas été sans générer des tensions au niveau de l’harmonisation des plannings, et donc, de nouvelles occasions de nous rappeler les objectifs de notre projet : le groupe d’agriculteurs et le lien avec le projet pédagogique développé et voulu par l’association de la MFR de Fougères. Encore aujourd’hui, ces discussions ouvrent sur de nouvelles perspectives de travail.

H.N. : Et aujourd’hui ?

Une agriculture respectueuse de la natureE.B. : Nous vivons d’excellentes expériences et nous partageons sur ces développements alternatifs pour une Agriculture Durable à Haute Valeur.
Les élèves participent à de nombreuses activités de terrain pour découvrir et échanger sur ces nouveaux itinéraires : les réussites et progrès obtenus, les échecs observés et la façon de rebondir pour les éviter à nouveau…  Ces confrontations d’élèves, formateurs et professionnels apportent de larges contributions aux nouveaux enseignements fixés par les référentiels que nous élaborons en lien avec les services du Ministère de l’Agriculture.
Quelques  adhérents du groupe « Sol Vivant 35 » ont poursuivi leurs démarches d’innovation en créant une coopérative d’utilisation de matériel agricole (CUMA) pour acquérir ensemble des matériels plus respectueux des sols, progresser dans la gestion des semences, de l’énergie, de l’organisation du travail… De nouveaux projets sont imaginés.
Je suis convaincu qu’avec les conduites appropriées, chaque agriculteur peut « reconstruire son sol », c’est surtout dans la tête que cela se passe ! Ces nouvelles pratiques lui donnent une nouvelle dignité, une nouvelle fierté, une nouvelle harmonie avec la nature…

H.N. : Une conclusion, pour terminer ?

E.B. : Je veux citer Saint François d’Assise dans son cantique des créatures :

« Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
avec les fleurs colorées et les herbes »

Je veux également citer le pape François à propos de « notre maison commune » dans sa lettre Laudato Si’ :

« Nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant, et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude ».

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